Comment gérer les réactions agressives à propos de l'écriture inclusive ?

Cela fait plusieurs fois que je parle d’écriture inclusive dans des articles. C’est malheureusement la même chose à chaque fois. Je n’impose rien, ne critique à priori personne, reste à ouvert à la discussion… pourtant il y a toujours des remarques agressives.

Aujourd’hui, je publiais un article sur NosChangements.fr expliquant que j’arrêtais d’utiliser des expressions utilisées en informatique comme “maitre/esclave”.

Voilà la compilation des critiques agressives du jour :

  • “C´est absolument n´importe quoi. Vraiment de la masturbation intellectuelle.”
  • “MERCI DE REFLECHIE UN MINIMUM AVANT DE LANCER DE LA MERDE”
  • “Un sacré paquet de conneries digne du politiquement correct qui bousille l’expression orale. Bref, de la bonne grosse merde !”
  • “arrêtez de nous faire chier avec le politiquement correct ^^”
  • “Puisque les mots ont un sens : arrêtez de nous faire chier avec le politiquement correct. Saloperie de bordel à cul de pompe à merde. :o)”
  • "putain…mais jusqu’ou la stupidité du politiquement correct nous mènera. …incroyable de s’attacher a ces détails. Quand je dis “blacklist " je suis un proprio de bateaux d’esclaves? Je sous entends que les jours sont inférieurs. …??? N’importe quoi…”
  • “Je trouve ça un peu ridicule”
  • “Le pire de tout, l’écriture inclusive… Il a pris une carte à la FI ou quoi ?”
  • “Du grand n’importe quoi au nom d’un anti-racisme de pacotille qui posera plus de problèmes qu’il n’en résoudra au final.”
  • “ça fait un peu trop SJW”

Sources : 1 2 3 4 5

Je n’ai rarement de réponse de leur part quand je leur écris donc, je ne sais pas ce qui les rend si agressif·ve·s.

Puis-je réduire ce genre de réactions agressives ? Comment ?
Que dois-je leur répondre ?

Yo,

Je ne pense pas que tu puisses réduire ces réactions agressives ou plutôt tu fais déjà le nécessaire :

  • Le À propos est très bien
  • Tu es disponible pour expliquer, justifier et tu le fais de manière efficace et bienveillante

Il faut accepter que les gens pensent différemment les uns des autres (ça tu le sais déjà) et donc leur posture qui peut être agressive.

Ensuite il y a beaucoup de choses qui jouent dans la réception d’un message : contexte, culture, écoute… Un sujet très vaste.

Tcho !

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J’imagine que ça peut venir de l’attaque, l’amalgame, ou l’avocat du diable.
Le tout, avec la gaussienne (répartition mathématique de tous les cas possibles).


L’attaque
Si tu dis que je fais mal quelque chose, je peux le percevoir comme si tu disais que je suis mauvais. Le principe est de décorréler “tu as fait quelque chose de pas optimal une fois” de “tu es vraiment un gros abruti” (cf mon post séparé sur le le pessimisme acquis et l’optimisme appris).

Bien sûr tu ne peux pas te mettre à la place de celui qui lit ton texte : s’il lit les critiques sous la forme (permanent, personnel, général) et pas sous la forme (temporaire, impersonnel, spécifique), il se fâchera tout seul quoi que tu fasse.

Tu peux tenter toutes les techniques de la CNV (écoute active, trouver les besoins de l’autre et exprimer les siens) ou envelopper ton point avec des “si” ou des “dans certains cas”, mais tu n’as pas la place ni le temps d’ajouter ces warnings dans les réseaux sociaux ou les microblogs, et de toutes façons ça affaiblirait ton point.

Je pense que c’est pour ça que les réseaux sociaux nous rendent… asociaux :wink:

L’amalgame
Pas de bol : si ton interlocuteur a croisé une fois [un sportif, un geek, un vegan, une féministe]… et que quelque chose n’a pas été 100% positif, tous les suivants vont payer pour le premier.

Pas de bol, les biais cognitifs existent, et même quand on les connaît c’est super dur de lutter : si c’était ton préjugé de départ, si le premier et le dernier geek que tu as croisé t’ont fait mauvaise impression, si tes potes pensent que les geeks mangent mal, sont en mauvaise santé ou ne sont pas sympa… ben tu vas penser que c’est la nature profonde et permanente des gens (causes internes) et non pas les circonstances du jour (il avait acheté son seul McDo en 10 ans parce qu’il n’avait pas eu le temps de faire mieux, il avait pris un coup de froid, et il était fâché : causes externes).

C’est l’erreur fondamentale d’attribution.

Je n’ai pas trop de piste pour sortir de l’amalgame, désolé.

L’avocat du Diable
Appliquons ce principe à la situation : et si la personne qui te répond n’est fondamentalement pas sexiste, mais qu’elle a voulu juste aujourd’hui forcer le trait ?
Elle te fera une réponse désobligeante alors qu’elle a un bon fond.

C’est pour ça que j’essaie d’arrêter les réponses “smartass” : sortir un bon mot d’esprit, c’est facile, ça fait plaisir, ça flatte l’égo, on se sent supérieur et on croit impressionner les copains. En fait, on va surtout agresser les gens et passer pour un vilain.


Et enfin : la gaussienne

Pour moi, la seule vraie indication qui va éviter ces biais, c’est de voir la suite et les actes.
(c’est aussi un peu rassurant parce que ça veut dire qu’on peut pardonner les erreurs de jeunesse : les siennes et celles des autres)

Personnellement, je vois passer beaucoup d’offres d’emploi, et quand je remarque que le langage est majoritairement masculin, je vois très bien la répartition des réactions face à la remarque :

  1. de rares “ah oui, je change tout de suite”
  2. quelques “je suis pas convaincu mais bon, je change pour te faire plaisir et on verra”
  3. pas mal de “la prochaine fois” (des débats ou remarques qui feront leur chemin dans la tête de l’interlocuteur, et un jour ça va finir par rentrer)
  4. une grosse proportion de “bof” ou de gens qui t’ignorent
  5. pas mal de débats qui ne vont pas changer grand chose
  6. quelques débats qui partent en vrille voire s’enveniment
  7. de rares moments où ça part en insultes directement

Bref : c’est une gaussienne. Plus la réaction est extrême (“bonne” ou “mauvaise”) plus elle est rare. Mais vu que le gros du chiffre c’est la “majorité silencieuse”, ceux qui feront l’effort de réagir sont forcément les “minorités vocales”.


Enfin, pour répondre à la question “comment gérer…”, pour moi, ça devient :

  • ce n’est pas très grave car ce n’est ni méchant ni contre moi
  • ce n’est pas forcément une personne agressive mais des circonstances du moment
  • ce n’est pas la peine de réagir, car les “convaincus” ne changeront pas d’avis, que j’y passe 5mn ou 2 semaines
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On m’a fait remarquer en privé que mon post ne parle quasiment que de la partie “Comment gérer les réactions agressives sur les réseaux sociaux” et finalement très peu de l’écriture inclusive.

Pour ceux que ça intéresse, on aurait envie lancer un voire plusieurs sujets :

  1. qu’est-ce que l’écriture inclusive, comment et pourquoi ?
  2. est-ce que l’écriture inclusive demande des efforts à lire ou à écrire ?

Bien sûr ce sont des questions trop simples pour être honnêtes :

  1. on souhaite que les gens soient explicitement mentionnés et accueillis,
    que les personnes qui écrivent se forcent à considérer un contexte plus large, que celles qui lisent se sentent concernées, qu’elles ne vont pas penser qu’on les a oubliées ou que ce n’est pas pour elles
  2. oui, il y a des efforts à faire : utiliser les mots nouveaux (iels, celleux), utiliser les accords épicènes (tout·e·s, tout(e)s, tout-e-s), la répétition (toutes et tous) ou la tournure de phrase (les personnes qui, passer à l’impératif ou l’infinitif par exemple)
  3. le vrai débat pour moi serait comment minimiser les efforts (écrire et lire facilement les textes) tout en maximisant l’inclusion : pensons aux personnes aveugles (screenreader), sur le spectre autistique, dyslexiques, et à celles qui apprennent une nouvelle langue ou qui apprennent à lire. On sort de l’écriture “juste” épicène (indifférente au genre, ou justement qui prête attention au genre) et on rentre dans l’écriture inclusive, pour toutes et tous.
  4. est-ce que ces efforts valent le coup ? J’ai envie de dire “oui, il faut toujours que chacun-e se sente bien accueilli-e”, mais je n’en voudrai à personne de s’adapter au public et au discours : un essai sur le genre qui vous a pris une heure, prendra certainement 5mn à relire, mais une phrase à l’emporte pièce dans un bar entre mecs (“les politiques, tous des salauds”) est sortie en deux secondes, et vous n’avez pas forcément envie de tourner sept fois votre langue dans votre bouche avant de parler (ma maman dirait sûrement que si !)

Si vous lisez entre les lignes, vous avez déjà compris ce que je préfère :wink:
Dans le point numéro 2, j’écris dans l’ordre de ce que je trouve à la fois le plus frappant et le plus “difficile”, vers ce qui est le plus “simple pour la lecture et l’écriture”.

D’ailleurs les mots ont du sens, et je ne suis pas sûr qu’il faille utiliser celleux sans connaître les mouvements qui ont mené à cet usage, ou pourquoi certain-e-s militant-e-s pensent que tout·e·s est plus adapté que tout(e)s. Comme me disaient mes profs du collège au Bac + 5 : “si tu ne comprends pas ce que tu écris, ne l’écris pas”.

Et oui, j’ai essayé de faire un exemple : si vous ne voulez pas écrire “c’est dur pour les lecteurs-trices” ou “c’est dur pour les lecteurs et les lectrices” ou “c’est dur pour celleux qui liront le texte”, vous pouvez très bien écrire “c’est difficile à la lecture ou l’écriture”.

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Rappelle toi ton intention initiale. Tu veux parler de tes changements de manière à éventuellement inciter les autres mais pas dans le but de les forcer à changer.

Les personnes qui réagissent violemment lorsqu’une autre témoigne de son changement propre sans rien leur demander ne sont pas une cible intéressante. Dans les milieux militants c’est typiquement avec ce genre de personne que les activistes arrêtent de faire de la pédagogie car c’est du temps perdu. Iels se sentent agressé•e•s et hurlent au complot de la “bien pensance” (d’ailleurs, à la vue de cette expression, fuyez) car iels n’ont aucunement l’intention de faire des efforts pour le bien être d’autrui. Car c’est de ça qu’il est question au final dans tout changement : même si certains peuvent nous être bénéfiques directement, ils sont avant tout destinés aux autres.

Bref, /ignore

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Merci pour vos précieuses réponses ! :pray:

Histoire d’alimenter le débat, voilà un article que je viens de publier à propos de remarques agressives qu’on a eu régulièrement sur des articles écrits en écriture inclusive (mais dont ce n’est pas le sujet) :

Concernant le point numéro 3, pour y répondre, un ami a créé une extension chrome (reprise pour firefox depuis) pour faciliter la lecture pour les personnes dyslexiques. Il en existe aussi m’a-t-il dit, pour les screenreaders.

Par contre, je ne savais pas que les personnes autistes avaient des difficultés de lecture, quelles sont-elles stp ?

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Je vous propose un article critique sur l’écriture inclusive rédigé en s’appuyant sur une analyse critique des dernières expériences scientifiques.

Vous trouverez donc des graphes de compte rendu qui expliquent l’impact d’un langage genré et non genré sur notre vision des différences femmes / hommes ainsi que le débuscage d’arguments et raisonnements fallacieux quand on parle de l’utilité de l’écriture inclusive. Peux-être y trouverez vous la des éléments pour convaincre les personnes dans le doute.

— « L’écriture inclusive : parlons faits et science » : http://www.bunkerd.fr/ecriture-inclusive/

En ce qui concerne les personnes « persuadé », il n’y a pas grand chose à faire, ils ont agrémenté leur réflexions d’éléments irréfutables ce qui fait que leur opinion s’auto-alimente dans leur sens peu importe que les éléments soit sensé allez dans leur sens ou non.

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